Palais des beaux-arts de Lille

En 2015, j’ai été invitée à montrer mon travail dans les salles des collections permanentes du musée des beaux-arts de Lille. Six projets photographiques ont été retenus : Le Christ (1992-2000), Les pierres tombales (2006), La table, 2003, la série des Plaques sensibles (2009), le Rubik’s Cube (2010) et le Nuancier (2014). Les vues d’exposition montrées sont celles dont l’installation dans l’espace du musée se prêtait à l’image, toutes n’étaient pas photogéniques. Mais chaque immersion était singulière et l’ensemble des six projets relevait de mon intérêt pour la question de la peinture, du tableau et de la représentation bidimentionnelle en résonnance avec l’espace et les œuvres de la collection du musée.

Rubik’s Cube, 2010, ensemble de 6 images, tirages numériques, dimension variable.

À l’origine, ce cube fut inventé par un sculpteur pour ses étudiants en architecture. Il servait à appréhender et à manipuler concrètement les diverses dimensions de l’espace. Ici déplié et mis à plat, il illustre ce que toute image réalise : le passage de trois à deux dimensions.

La table, 2003, tirage analogique d’après négatif, 210 x 176 cm.

Emblème de la réunion familiale, cette table entourée de chaises est traitée sur le principe du motif. Dégagée de sa fonction, elle est rendue disponible pour d’autres représentations, d’autres images susceptibles de répondre par associations ou analogies.

Les pierres tombales, 2006, série de 9 photographies, impressions jet d’encre, haut. 80 cm, long. variable.

Dans cette série, la prise de vue adhère à la forme du sujet dont la planéité et le format prédéfinissent le cadrage. L’image prétend à un faible écart entre la représentation et son objet. La surface du marbre s’altère au contact des éléments selon un principe semblable à celui qui gouverne la photographie analogique ; un lien s’établit entre la nature de l’objet et les modalités de son enregistrement.

Le Christ, 1992-2000, triptyque, d’après Philippe de Champaigne (Louvre), tirages analogiques d’après négatifs, 93 x 135 cm x 3.

Ce projet, initié au début des années 1990 à partir du détail d’une toile de Philippe de Champaigne, aboutit une dizaine d’années plus tard. Partant de l’héritage pictural et de l’image chrétienne en regard de la photographie, il soulève une interrogation autour de la nature du visible, « voir » optique et/ou anthropologique que constitue la vision. Un dialogue s’engage entre la matérialité de la peinture qui produit sa propre lumière et celle de la photographie qui elle l’enregistre.

Plaques sensibles, 2009, série de 12 images, impressions pigmentaire, 24 x 30 cm.

Ces boîtes de plaques sensibles évoquent l’histoire de la photographie et les fantasmes liés à l’image mécanique. Les couvercles de ces reliquaires de lumière déclinent les notions de vitesse, de vérité, de perfection, de sensibilité ou de vision cartographique, selon un vocabulaire emprunt d’une certaine fraîcheur, à l’image de leur graphisme pimpant.

Nuancier, 2014, impression jet d’encre, échelle 1:1, 34 x 131 cm

Ce nuancier usagé, emprunté à la mercerie de quartier, est restitué dans son format d’origine. À la fois outil de travail ordinaire et emblème d’une tradition picturale — Johannes Itten, Josef Albers, ou Goethe —, sa palette colorée décline des nuances délicates susceptibles d’activer le plaisir rétinien.